Ayant élevé un enfant handicapé, je connais bien les sentiments d’épuisement et d’impuissance qui façonnent notre quotidien. Lorsque mon fils a reçu un diagnostic d’autisme, le plus difficile n’a pas été le diagnostic lui-même. C’était de réaliser que je devais l’élever dans un monde qui voyait ses limites plutôt que son potentiel.
Comme tout parent, mon souhait était simple : que mon enfant soit accepté, qu’il grandisse et s’épanouisse aux côtés de ses pairs. Mais dans les années 1980, les enfants handicapés étaient souvent mis à l’écart de leurs camarades, et les programmes nous refusaient systématiquement, car ils n’étaient pas « équipés » pour l’accompagner. J’ai passé d’innombrables nuits blanches à faire des recherches, à défendre et à me battre pour le droit fondamental de mon fils à l’appartenance.
Les choses ont évolué depuis, mais ce que j’ai appris, et ce qui motive mon travail aujourd’hui, c’est que les obstacles auxquels nos enfants sont confrontés ne sont pas inhérents à leur handicap. Ils sont construits par des systèmes qui n’ont pas appris à percevoir les capacités dans la différence.
Cette expérience m’a permis d’éprouver une profonde empathie pour les parents d’enfants atteints du trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale (TSAF). Outre les réalités quotidiennes liées à l’accompagnement d’un enfant atteint d’un traumatisme crânien permanent, ces familles doivent également faire face au poids de la stigmatisation et du jugement liés à ce handicap, un fardeau qui aggrave leur isolement et leur épuisement.
Le TSAF est un trouble cérébral résultant d’une exposition prénatale à l’alcool. Il affecte des fonctions exécutives essentielles, notamment la mémoire, l’apprentissage, le jugement et la prise de décision. (Réseau canadien de recherche sur le TSAF) Il touche plus de 1,5 million de Canadiens, mais bon nombre d’entre eux restent non diagnostiqués, masqués par la stigmatisation et l’incompréhension. Contrairement à d’autres handicaps, le TSAF engendre un jugement supplémentaire envers les mères biologiques, des suppositions infondées quant au choix et des idées fausses sur la prévention, qui engendrent la honte là où il devrait y avoir du soutien, et le silence là où il devrait y avoir de la défense des droits.
Les conséquences sont dévastatrices. Les parents se retrouvent confrontés à des systèmes conçus pour d’autres handicaps, travaillant avec des professionnels bien intentionnés qui manquent de connaissances spécifiques au TSAF. Les besoins spécifiques de leurs enfants – leurs façons distinctes de traiter l’information, de réagir à l’environnement ou de réguler leurs émotions – sont souvent interprétés à tort comme de la défiance, de la manipulation ou une mauvaise éducation parentale. Et lorsque ces jeunes quittent les services sociaux à 18 ans, souvent sans soutien adéquat, ils sont confrontés à des risques accrus de toxicomanie, d’itinérance et de démêlés avec la justice.
L’impact économique est également colossal, atteignant 1,8 milliard de dollars par an au Canada. Mais le coût humain est incommensurable : des familles luttent pour être comprises, des jeunes peinent à s’intégrer dans un monde qui ne leur laisse aucune place.
Conscient de cette lacune et des coûts liés à son indifférence, ABLE2 a lancé le Programme de ressources sur l’alcoolisation fœtale en 2015, en partenariat avec le Réseau pour la santé du cerveau des enfants (RSCE), la Société d’aide à l’enfance d’Ottawa et le CHEO, afin d’offrir du soutien aux personnes de tous âges atteintes du TSAF et à leurs familles. L’objectif était simple, mais urgent : offrir un soutien spécialisé et fondé sur des données probantes aux personnes atteintes du TSAF et à leurs familles, tout en renforçant les connaissances des prestataires de services de tous les secteurs.
Depuis, nous avons constaté les possibilités offertes par la compassion et la compréhension qui remplacent la stigmatisation. Les familles autrefois isolées bénéficient désormais de solides réseaux de soutien. Les éducateurs, les intervenants judiciaires, les professionnels de la santé et les travailleurs sociaux formés par le FARP apportent à leur travail de nouvelles perspectives, de l’empathie et des stratégies fondées sur des données probantes. Et surtout, les personnes atteintes de TSAF, autrefois considérées comme « non conformes » ou « difficiles », sont enfin reconnues pour ce qu’elles ont toujours été : des personnes ayant des besoins uniques, des atouts considérables et le droit de s’épanouir.
J’ai eu le privilège de trouver enfin le soutien qui a permis à mon fils de s’épanouir. Aujourd’hui, il est soutenu pour vivre la vie qu’il souhaite et contribue pleinement à sa communauté. Mais je suis consciente que ce n’est pas accessible à toutes les familles, et je suis solidaire des parents qui souhaitent simplement que leurs enfants s’épanouissent, qu’ils aient une vie pleine de sens et épanouissante, et qu’ils aient un sentiment d’appartenance sans condition.
Septembre est le Mois de la sensibilisation au TSAF, dont le thème fort est cette année : « Chacun a son rôle à jouer : Agissez ! » Je souhaite que chacun d’entre nous, en tant qu’individus, professionnels et membres de la communauté, soit mis au défi d’aller bien au-delà du simple constat, vers une compréhension bienveillante et un changement systémique.
Cela implique de reconnaître le TSAF comme un handicap neurologique complexe et permanent. Cela implique de former des professionnels de tous les secteurs à des approches tenant compte du TSAF, qui tiennent compte à la fois des défis et des capacités. Il faut bâtir des communautés qui offrent un soutien pratique, sans jugement, et des ressources sans honte. Plus important encore, il faut faire évoluer notre discours collectif du blâme vers une responsabilité partagée, en reconnaissant que la création d’environnements inclusifs et favorables n’est pas seulement une question de bonne politique ou de conformité, mais un impératif moral.
Chaque enfant mérite d’être considéré non pas à travers le prisme étroit de ses difficultés, mais à travers le potentiel prometteur de son développement. Les enfants atteints de TSAF ne sont pas « difficiles » et la question n’est pas de savoir s’ils peuvent réussir, mais plutôt si nous allons enfin leur fournir les soutiens qui leur permettront de réussir.
Après septembre, je vous invite à contribuer à la cause des familles qui s’occupent de personnes atteintes de TSAF. Écoutez leurs histoires avec empathie. Plaidez pour une formation axée sur le TSAF dans votre milieu de travail et votre communauté. Soutenez les politiques qui reconnaissent le TSAF comme un handicap méritant des aménagements et du soutien. Luttez contre la stigmatisation partout où vous la rencontrez.
Lorsque nous choisissons la compréhension plutôt que le jugement, le soutien plutôt que la stigmatisation et l’action plutôt que la simple sensibilisation, nous ne changeons pas seulement les résultats pour les personnes atteintes de TSAF, mais nous devenons véritablement la société inclusive et compatissante que nous prétendons être.